dimanche 16 janvier 2011

Denis Savary à la ferme du buisson

L'artiste suisse Denis Savary présente ici sa première monographie d'envergure en France. Inclassable et protéiforme, son travail prend tour à tour la forme de sculptures, de dessins, d’installations, de vidéos ou de pièces sonores. Privilégiant des procédés d’appropriation, de citation ou de collaboration, Denis Savary navigue librement entre ces différents médiums et les associe pour mieux explorer le décloisonnement des genres (au croisement de la science et des beaux-arts, de la zoologie, de la botanique et de la littérature) et des époques (chez lui les oeuvres de ses contemporains côtoient aisément celles de Vallotton, Klossowski ou des indiens hopi).

L'exposition à la ferme du buisson s'inscrit dans un cycle initié au Musée Jenisch à Vevey, au Quartier à Quimper puis à la Villa Bernasconi à Genève. L'artiste conçoit son projet comme une réflexion autour de l'idée même d'exposition - ou comment rendre un espace habitable - en mêlant nouvelles productions et oeuvres existantes représentatives de l'ensemble de sa démarche.

Projetant sur l’architecture particulière du Centre d’art (ses escaliers, ses sous-sols, ses greniers…) le motif de la maison de poupée qui le fascine tant, l’artiste propose une déambulation dans l’intimité de figures singulières, où l’on croise les fantômes de Ferdinand Ferber, Oskar Kokoschka, les frères Lumière ou Nicolas de Larmessin. L’espace est mis en mouvement à partir du motif du carrousel, machine célibataire en mouvement sur elle-même, et des personnages qui l’occupent, solitaires désœuvrés tournant eux aussi en rond. Un cycliste essaie de rouler sur un lac gelé, des des poupées grandeur nature se balancent au plafond, un manège tourne à vide, des centaines de marines miniatures font tanguer les murs, une table grince en souvenir d’une performance chorégraphique…
Le jeu de correspondances et de télescopage des références ne manque pas d’évoquer une quête de l’œuvre d’art totale mais résolument dérisoire. L’environnement à la fois plastique, scénique et cinématographique relève ici d’un bricolage monstrueux et hétérogène où s’enchevêtrent œuvres originales, éléments de décor théâtral et contributions d’autres artistes.
Empreinte d’un humour mélancolique, Carrousel est une exposition à lire comme un roman ou à écouter comme un morceau de musique : chaque salle est le chapitre d’une fiction accompagnée d’une véritable bande-son. Dans ces espaces-temps singuliers traversés de mouvements imperceptibles, c’est toute une mécanique de l’exposition qui se met en branle, petite fabrique d’obsessions où les choses semblent toujours en suspens ou en devenir…














Ce que j'ai particulièrement aimé lors de cette exposition, en plus du fait d'avoir le centre d'art contemporain pour moi seule, est que les jeunes femmes à l'entrée m'ont bien accueillie et m'ont proposé leur aide si besoin. De surcroît, on à une réelle proximité avec les oeuvres, ce qui change de bien des musées ou galeries. De plus, nous pouvons rencontrer l'artiste le samedi 12 février à 14h15.


Quant au lieu d'exposition, le centre d'art contemporain est un lieu atypique, agréable à visiter.

Le ferme du buisson elle-même est un endroit atypique qui regorge de ressources. C'est un lieu où nous pouvons voir des concerts, des spectacles, des expositons ou encore des nuits curieuses (la dernière étant en partenariat avec Tracks, l'émission de Arte)... Il y a aussi un cinéma et une médiathèque sur le site. C'est un lieu très agréable et l'équipe y est vraiment accueillante. Les prix sont vraiment accessibles à tous, il y a de nombreuses réductions notamment pour les moins de 26 ans et les étudiants. De plus, il y a une carte buissonière qui permet d'avoir accès aux évènements de la ferme à tout petit prix.

Voici le site de la ferme: http://www.lafermedubuisson.com/

Hier, j'y ai donc visité le centre d'art contemporain pour 1e (tarif réduit, le tarif plein étant de 2e). Mais en sortant de l'exposition j'ai pu remarqué qu'il y avait des photographies exposées dans le corps de la ferme. Il s'agissait d'une exposition d'un photographe du collectif Altitude (fondée par Yann Arthus Bertrand) représentant l'évolution du Val Maubuée sur une 30aine d'année. Ce lieu reserve donc des surprises à chaque passage, comme par exemple cette exposition totalement gratuite!

dimanche 9 janvier 2011

Francis Bacon

J'ai décidé de vous présenter un livre lu pendant les vacances de Noël. Ce sont des entretiens entre Francis Bacon et Michel Archimbaud. J'ai choisi de faire une analyse de ce livre car je trouve qu'on y apprend beaucoup de choses sur "l'Artiste" en général:


FRANCIS BACON

Entretiens
Avec Michel Archimbaud




PRESENTATION DU LIVRE

Le livre dont nous allons traiter est une série de trois entretiens entre l’auteur Michel Archimbaud et l’artiste Francis Bacon à Londres entre octobre 1991 et mars 1992. Nous savons que d’autres entretiens étaient prévus à Paris mais malheureusement F. Bacon est décédé à Madrid avant de pouvoir rencontrer M. Archimbaud de nouveau.

A travers ces entretiens F. Bacon se livre dans une atmosphère plutôt intimiste, il se confie à M. Archimbaud, et à travers cela à nous lecteurs de ces touchants entretiens qui nous permettent de connaître une facette de plus de l’artiste : celle de l’homme. Il retournera souvent les questions à son interlocuteur mais on arrive tout de même à s’en approcher à travers des réponses souvent inattendues et très intéressantes.

Le contexte est un peu particulier, il s’agit d’entretiens entre deux hommes se connaissant déjà un peu et confirmant leur amitié à travers ces dialogues. A travers ces discussions se développent plusieurs thèmes comme l’échange entre les arts, la musique, les influences et les peintres qui pourraient avoir donné à F. Bacon l’envie de peindre ainsi que des questions de culture assez générale. Les thèmes approchés sont vagues et se développent au travers de ces trois entretiens.

Je pense que le public visé est assez large, ce livre ne touche pas une catégorie de personnes en particulier. A mes yeux, ce n’est pas forcément un livre d’art mais plus une manière d’apprendre à mieux connaître un artiste, un homme, qui est ici Francis Bacon.



PRINCIPALES IDÉES DÉGAGÉES PAR FRANCIS BACON

Comme je l’ai précisé il s’agit ici d’entretiens, ce n’est donc pas l’artiste lui-même qui développe ses idées, les questions sont posées par M. Archimbaud, qui peut tourner les questions sur les thèmes qu’il désire. Parfois, F. Bacon ne répond que brièvement à certaines questions, et c’est alors lui-même qui le pousse à développer ses réponses.

En ce qui concerne le statut de l’artiste, F. Bacon fait preuve d’une certaine approche de l’art que l’on pourrait mettre en relation avec la catharsis de Platon, p.62 : « C’est la vieille idée des émotions terribles, et pouvait ainsi se purger de ses passions. », avec tout de moins quelques nuances : « Si néanmoins quelqu’un, en présence d’une œuvre, ressent quelque chose de fort, alors peut-être peut-on dire que l’artiste a réussi, mais ça n’est pas sûr. », ainsi que : « tout est très compliqué » p.62
Pour F. Bacon, le but ultime de l’œuvre ne serait donc pas de faire ressentir des émotions à son spectateur, du moins il en doute, il pense que c’est une bonne chose mais que cela ne signifie pas forcément que l’artiste a réussi à atteindre son but.
Il nous parle de l’organisation de l’une de ses journées de travail habituelles aux pages 133/134, dans le troisième entretien : « Je préfère travailler le matin. D’ordinaire, je me lève tôt, vers six heures, et je travaille jusque vers onze heures ou midi, puis, après le déjeuner, je me donne quartier libre, je flâne, je vais dans les pubs […] ». D’une certaine manière cela nous informe évidemment de la façon de travailler de cet artiste, mais cela a aussi un caractère touchant, intime, qui nous permet de nous sentir plus proche de ce qu’était le quotidien de F. Bacon. En effet, il nous dit qu’il va dans des pubs et rajoute même « C’est vrai que j’y vais plutôt seul », ce qui nous permet de rebondir sur sa vision de l’artiste.
F. Bacon pense que l’artiste est une personne solitaire, pas forcément compris et souvent une personne qui ne comprend pas vraiment le monde qu’il l’entoure, plutôt dans son univers : « J’aurais donc tendance à vous dire que je vois plutôt l’artiste comme quelqu’un de seul au milieu de la société où il vit. » p.135.
Ensuite, il nous fait part de la manière dont lui vient l’inspiration dans le deuxième entretien : « les accidents », « de façon inattendue » p.65 : « C’est à la fois accidentel et en même temps complètement évident » / question d’instinct.
Il sait qu’il y a des choses qui arrivent ; qui l’aident à créer, mais ne c’est vraiment ce que c’est : « Cela n’est pas évident pour moi de préciser ce que terme veut dire. Il me semble qu’on ne peut pas expliquer ce que c’est qu’un accident. » p.66. Cependant il tente de les expliquer : « Par exemple, qu’on fait de la peinture à l’huile, il peut se produire des événements que l’on ne maîtrise pas, on peut faire une tache, tourner le pinceau d’une façon ou d’une autre, et cela va produire des effets chaque fois différents, cela va changer toute l’implication de l’image. » p.66. Il pense que cela peut aider à bonifier l’œuvre, tout comme cela peut la modifier, la détruire sans qu’on puisse rien y changer : « Le plus étonnant, c’est que ce quelque chose qui est apparu comme malgré soi est parfois meilleur que ce que l’on était en train de faire. Mais ce n’est pas toujours le cas malheureusement ! J’ai souvent détruit en les reprenant, en les poursuivant, des tableaux qui étaient au départ bien meilleurs que ce à quoi j’aboutissais. » p.67. Ces « incidents » comme F. Bacon le dit, se retrouve très souvent dans ses tableaux. Puis, M. Archimbaud le questionne sur la façon qu’il peut avoir de commencer une toile, de son action après l’inspiration :

M.A : «  Vous voulez dire que vous ne savez pas, lorsque vous commencez, où vous vous dirigez et encore moins où vous aboutirez ? »

F.B. : « Non, ce n’est pas tout à fait ça, parce que lorsque je commence une nouvelle toile, j’ai une certaine idée de ce que je veux faire, mais pendant que je peins, tout d’un coup, en provenance en quelque sorte de la matière picturale elle-même, surgissent des formes et des directions que je ne prévoyais pas. C’est cela que j’appelle des accidents. ». p67. : «  Vous voulez dire que vous ne savez pas, lorsque vous commencez, où vous vous dirigez et encore moins où vous aboutirez ? ».

En effet, lorsqu’il peint il sait ce qu’il veut faire, il en connaît les grandes lignes, mais il laisse une grande part au hasard, à l’inspiration soudaine qui peut lui faire peindre des « formes et des directions » qu’il ne prévoyait pas, explique-t-il page 67.
A part la pratique personnelle de F. Bacon, les deux hommes abordent des sujets divers et variés. Il y a par exemple la question de l’échange entre les différents arts, Bacon nous dit qu’il est parfois inspiré par la photo (p 110) même si il n’y croit pas vraiment. En fait, il ne croit pas en la fusion des arts, mais que l’on peut être influencé exemple avec Picasso et Balzac page 114 « un bon exemple pour moi de ces influences qu’on peut subir ».
De plus, ils abordent la question de la religion dans l’art, même si toute fois cela se fait de manière succincte. Grâce à cela on apprend que F. Bacon n’aime pas mêler la religion à sa peinture et qu’il essaie de s’écarter du mystique : « je n’aime pas, vous savez, ce qui touche de trop près à la religion » p.109.
De surcroît, on sait que du point de vue de F. Bacon il y a une absence de supériorité entre les artistes : « on ne peut pas dire que Picasso c’est mieux que Cézanne, ce serait idiot » p114/115, et il ajoute que « C’est une affaire de style. », c’est différent de la science.
« Créer quelque chose, c’est cela, une sorte d’écho d’un créateur par rapport à un autre. » A travers cette phrase il développe l’idée que l’on s’inspire, tout en innovant pour se démarquer : « l’écho et le rejet ». Lui l’explique comme le rejet des choses qu’il n’aime pas et l’écho est en fait l’influence qu’un artiste peut subir.
En plus de tout ça, on apprend que F. Bacon, même s’il est très inspiré par de nombreux peintres comme Picasso ou Vélasquez par exemple, a une vision particulière du savoir-faire et de son apprentissage : « Non je ne crois pas du tout à l’enseignement. C’est en regardant que l’on apprend. C’est cela qu’il faut faire. ».

Pour finir avec les principales idées dégagées et des choses intéressantes que nous pouvons apprendre sur F. Bacon, une chose étonnante est de savoir que ce dernier ne ressent absolument pas le besoin d’expliquer ses œuvres à ceux qui pourraient les regarder. En effet, M. Archimbaud lui demande « Cela vous a-t-il surpris qu’un créateur puisse ainsi expliquer ce qu’il était en train de faire ? » et F. Bacon lui répond : « Oui, parce que je ne pourrais, je crois, jamais procéder de la sort avec ma peinture » p.63, ce qui nous montre allègrement sa non-nécessité d’apporter une explication à son travail.

Nous pouvons donc voir que dans ces entretiens les thèmes abordés sont divers et cela permet aux lecteurs de suivre ces conversations avec plaisir, passant d’un sujet à l’autre tout en rentrant dans l’intimé de l’homme qu’était F. Bacon au fil de notre lecture. De surcroît cela nous permet d'une certaine manière d'entrevoir le quotidien d'un artiste. Même si cela date de quelques années dèjà je trouve qu'il est vraiment intéressant de pouvoir rentrer dans l'intimité d'un peintre.